À Tana, une personne blanche attire les regards mais surtout les demandes d’argent, que ce soit de la pure mendicité ou pour lui vendre tout un tas de trucs dont elle n’a rien à faire. Mais depuis que nous avons quitté la capitale, l’expérience est assez spéciale, on dirait que les gens n’ont jamais vu de blancs de leur vie tellement ils me dévisagent tout le temps. Je me croirais une star d’Hollywood à chacune de mes sorties, que ce soit, sur les routes, en ville ou à la plage : regards insistants, sourires et bonjours très souvent, demande de numéro de téléphone ou de photo quelquefois, bref les inconvénients de la célébrité sans les avantages évidemment. Je trouve cela très dérangeant bien sûr, mais j’ai pris le parti de ne pas y faire attention, car il est très rare que je sente de l’hostilité de la part des gens. Il y a bien quelques Cro-Magnons, qui sont tombés de l’arbre plutôt qu’il n’en sont descendus et qui regardent avec trop d’insistance mes jambes blanches en marmonnant certainement des saloperies dans leur barbe, je ne comprends pas alors je les ignore. Il y a aussi quelques regards hostiles, d’envie qui semblent dire : Que fait cette riche femme blanche ici? Elle vient nous narguer chez nous!  Mais en grande majorité, je dirais que les gens sont étonnés, curieux, voire même contents que des étrangers aient envie de découvrir leur pays, et se mêlent à eux, dans les marchés, les petites gargottes, dans la rue ou sur la plage. Il y a aussi une envie d’aborder l’étrangère, d’échanger quelques mots avec elle, ne serait-ce qu’un sourire ou un bonjour. Les plus hardis, souvent de jeunes hommes, entament la conversation, je m’abrite rapidement derrière mon alliance pour couper court à toute drague, mais cela n’en décourage pas quelques-uns. Lors du weekend de Pâques, alors que je me baignais à Amborovy, de jeunes étudiants ont voulu discuter, ils m’ont dit qu’ils faisaient leurs études de médecine ici car à Tana, il n’y a pas le cursus qui les intéresse, que c’était la fête sur la plage pour Pâques et de ne pas avoir peur, que tout le monde était là pour s’amuser, et que les Malgaches sont de bonnes personnes. Alors que je m’éloignais pour sortir de l’eau, l’un d’eux a voulu prendre une photo avec moi. Bien que dans d’autres circonstances, je n’aurais pas fait de photo avec un inconnu, j’y ai consenti. Il y avait de la fierté de ces jeunes gens à parler français, à aborder l’étrangère, j’en voyais d’autres autour d’eux qui les regardaient avec envie et admiration. Un groupe de petites filles qui m’avaient déjà tourné autour d’autres fois, a même osé s’approcher et se mettre entre nous, tout sourire, comme pour faire partie du moment. Les enfants sont évidemment les plus touchants et vrais dans leur réaction, ils me regardent avec curiosité, me sourient et me disent bonjour presque tout le temps. Une fois, alors que j’étais allongée sur la plage, une petite fille âgée de 3 ans peut-être a quitté les jupes de sa mère pour venir me toucher le bras tellement la couleur blanche de ma peau la surprenait, elle souriait et s’est mise à rire quand je lui ai dit en malagasy Fotsy Fotsy (ce qui signifie blanc) J’ai ri aussi bien sûr. Certainement que les gens les plus pauvres, les pêcheurs d’Amborovy par exemple, qui quittent rarement la plage, ne voient pas beaucoup de blancs, et cela doit leur sembler assez incongru. Ceux qui osent s’approcher pour proposer leurs produits, poissons, beignets sucrés, gâteaux, ou encore pour faire des massages, des tresses ou des tatouages de henné, le font avec beaucoup de timidité, de crainte il me semble même parfois.

Étonnamment, par contre, et du fait peut-être qu’il n’y a presque pas de mendiants dans les rues de Mahajanga, il est rarement arrivé que l’on me sollicite pour de l’argent, même les prix n’étaient presque jamais gonflés, car il n’y avait aucune marge de négociation lorsque je trouvais un coût trop élevé et faisais le tour des marchands pour payer moins cher. Pourtant, les blancs sont présents à Mahajanga, nous en avons croisé dans les restaurants de la ville et beaucoup d’entre eux tiennent les hôtels de Petite plage Amborovy par exemple. Cependant, il est vrai que tout comme à Tana, on ne les croise pas dans la rue, c’est très rare, ils sont toujours en voiture et n’en descendent que pour aller dans un lieu précis, comme les riches malgaches en fait, chacun reste dans sa bulle, dans son monde. Moi, ce mode de vie, cette façon d’être ne me convient pas du tout alors on s’est promenés, on est allés au marchés et à la plage, on a fait quelques visites, bref, on s’est mêlés au vrai monde, très souvent tous les deux, mais je suis sortie seule parfois. Outre la couleur de peau, je crois que c’est cela qui surprend le plus, et je pense que c’est aussi cela dont Madagascar a besoin, que les populations se mélangent malgré les différences sociales qui sont effectivement énormes dans ce pays, afin que les riches cessent de croire qu’on va les voler dès qu’ils mettent le nez dehors, et que les pauvres réalisent qu’ils peuvent avoir des relations d’égal à égal avec les gens plus riches, que le respect n’est pas en fonction du statut social, « vous, Madame, Monsieur » ne sont pas réservés aux gens qui roulent en Mercedes.

Rado et moi sommes également un couple mixte, comme on dit. Je ne pense pas à nous en ces termes, comme je ne pense jamais en terme de couleurs par rapport aux gens, mais à part les couples vieux Vazaha/jeune fille malgache que nous croisons beaucoup trop souvent à mon goût, je remarque que nous n’avons jamais vu de couples homme malgache\femme blanche. Paradoxalement, si les gens me regardent moi en tant que femme blanche, je n’ai pas la sensation qu’ils nous regardent nous, en tant que couple mixte. Est-ce parce qu’ils pensent que Rado est mon garde du corps et mon chauffeur? Je me demande. On se tient la main en marchant dès que l’on peut, mais l’état des routes et le manque de trottoirs font que ce n’est pas souvent le cas, par conséquent, notre lien ne saute pas nécessairement aux yeux. Parfois, je me dis avec horreur que les gens me prennent pour une Vazaha qui entretient son sex boy! En tout cas, une petite anecdote montre que la chose n’est pas commune. Nous nous baignions ensemble à Petite plage Amborovy, et nous nous faisions des bisous. Un jeune homme nous a abordés gentiment, nous demandant d’où l’on venait, si l’on passait des vacances en amoureux, etc. Et lorsque Rado a dit qu’il était Malagasy de Tana, ce jeune homme lui a répondu, « Respect ». Et comme la conversation continuait et que nous avons dit que nous visitions Madagascar avec l’intention de nous installer ici et que vous étions mariés, le jeune homme a eu l’air très étonné, et il a levé son pouce en l’air en disant à Rado, « Double respect »! Bien que ce jeune homme ait été parfaitement aimable et courtois, je ne peux m’empêcher de me demander en quoi cela inspire le respect qu’un homme malagasy soit marié avec une femme blanche et qu’il la ramène chez lui. D’ailleurs, il n’est pas le seul à avoir félicité Rado pour avoir ramené sa femme à Madagascar. Je me sens un peu comme une femme objet que le mâle dominant a conquis et rapporté sous son bras en entendant ce genre de commentaires! Outre que la société malgache soit encore très paternaliste, et que la femme malgache y occupe un statut inférieur si ce n’est dans la loi, du moins dans les mœurs, cela montre également qu’il n’est pas commun que les Malgaches et les blancs se mélangent entre eux sur un pied d’égalité.

Au fait, pour mettre les choses au clair, c’est moi qui aie ramené l’homme sous mon bras à Madagascar ;)!

Comments

  1. Merci pour tout ces points de vues très personnels et pleins d’honnêteté.. Ça me fait vraiment plaisir de vous suivre tout au long de votre voyage, de vous lire, de découvrir aussi certaines choses que je ne connaissais pas..et d’éclater de rire parfois.. Prend bien soin de ton sexy boy, il faut bien l’entretenir😂😁😅. Et surtout respect à toi d’abord d’avoir eu le courage et l’ouverture d’aller t’installer et découvrir notre île! J’ai hâte au prochain article..

    1. Merci Riky. Je suis certaine que mon point de vue évoluera au fil du périple, des expériences, puis des années. C’est un pays magnifique, avec tellement de richesses naturelles. C’est sûr que c’est un choc culturel aussi, C’est ce qui est enrichissant. On travaille fort sur les prochains articles et c’est un plaisir.

  2. “c’est moi qui aie ramené l’homme sous mon bras à Madagascar”… Triple respect!

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