Sur la côte des villages Vezo

Nous avons eu la possibilité de rester une semaine à Ambatomilo, chez une dame charmante qui a longtemps reçu des voyageurs, mais qui prend aujourd’hui sa retraite et loue simplement une petite maison proche de la sienne. Il n’y a rien tout le long de la côte, si ce n’est la mer, protégée par un récif corallien, et les villages Vezo. C’est ce qui attire les voyageurs qui s’aventurent sur la  piste. Face à nous, un lagon à l’eau transparente dans les tons turquoises, bleus et verts, et au loin, une couronne blanche de vagues qui viennent se fracasser sur la barrière de corail. Le village Vezo n’a rien de particulier, c’est justement aussi ce qui fait le charme des lieux pour certains. On ne cherche pas à attirer le tourisme de masse ici. Les quelques hôtels ou gites présents fournissent hébergement et nourriture aux voyageurs, car il n’y a aucune autre option. Les deux mondes se côtoient, les hôtels emploient du personnel Vezo et leur achètent poissons et crustacés, ce qui représente également une source de revenus pour les Vezo mais cela s’arrête là.

Dans le principe, un village Vezo ne diffère pas beaucoup d’un  village Sakalava : un petit regroupement de maisonnettes variant de la simple hutte triangulaire à un petit bâtiment rectangulaire ou carré d’une ou deux pièces, traditionnellement en vondro (roseau local), ou encore en bois. Pas ou peu de délimitation pour marquer le terrain des uns et des autres, car en réalité, l’espace du village est à tous, et tout le monde circule où il veut. Encore moins de chemin tracé, nous sommes sur du sable. Je présume qu’il y a malgré tout des règles de vie en commun certainement connues de tous, et c’est suffisant. Les rares bâtiments en dur sont soit des écoles, soit des dispensaires bien rudimentaires ou encore des églises. Les tombeaux sont paradoxalement les plus belles et durables constructions que l’on puisse trouver. Si les vivants se contentent de paille, de haillons et de riz, les morts sont traités comme des rois. Peu de zébu dans ces conditions mais il y en a, pour le lait. On trouve surtout des chèvres cependant on les élève uniquement pour la viande, de rares poules et canards aussi pour avoir des œufs, mais toute la vie est tournée vers la mer, et la base de l’alimentation de cette ethnie est le poisson.

Sur la plage, toutes les pirogues sont alignées, prêtes à partir pour la pêche avec la marée. Lorsque nous nous réveillons, les hommes sont déjà en mer depuis longtemps. Au loin, on voit les petites voiles de couleur jaune, blanche, orange, ressortir sur les nuances bleu turquoise ou vert émeraude de la mer. Les femmes et les trop jeunes ou les trop vieux, s’activent sur le rivage. Ils profitent de la marée basse pour pêcher le poulpe, pêcher au filet ou ramasser les huîtres locales. Depuis quelques années également, la culture d’algues a pris une grande place dans la vie des Vezo, et leur a permis de ne plus dépendre des aléas de la pêche, d’autant qu’eux-aussi, sont les victimes de la surpêche chinoise autorisée par les autorités nationales. Il faut souligner qu’il s’agit d’une initiative malgache, une petite entreprise devenue grande, Copefrito, qui emploie tous les pêcheurs Vezo de la côte du canal de Mozambique pour la culture et la récolte des algues, destinées à fabriquer de la gélatine alimentaire, des cosmétiques, des gélules pour envelopper les médicaments, bref, l’éventail est large, mais elles ne sont pas consommables. Copefrito fabrique les produits finis, qui sont vendus à Madagascar et à l’étranger, le tout selon une éthique éco-responsable.

On a beaucoup aimé rester à Ambatomilo, tout comme à Belo, dans la baie des Assassins prés de Tampolove ou Andavadoaka, Tsiandamba, mais parce que nous y étions en vacances. Les locaux, Vezo ou étrangers installés, doivent faire des kilomètres en charrette ou en pirogue pour se ravitailler en eau douce, livrée dans les fameux bidons jaunes, tous les jours. On se lave au Kapok, c’est-a-dire à la tasse, avec de l’eau froide. Bon, vu la chaleur, ce n’est pas bien gênant. Cela dit, nous sommes en période sèche au moment de ce voyage, donc la saison hivernale, et il fait quand même frais le matin et le soir…. De rares personnes, allez savoir comment… ont la chance d’avoir de l’eau douce sur leur terrain, et elles ont donc creusé un puits, puis construit un château d’eau. Mais pour la majorité, l’eau est bien trop loin, et les dépenses pour faire creuser un puits à des kilomètres, puis des canalisations pour amener l’eau sont bien trop importantes.

Se ravitailler en denrées alimentaires n’est pas plus simple! Tout ce qui est poisson et crustacés, ce sont les pêcheurs Vezo qui l’apportent, mais pour le reste, certains s’organisent avec les taxi-brousses et des marchands dans la ville la plus proche, soit Tuléar, soit Morondava, pour se faire livrer tout ce dont ils ont besoin, ce qui ne leur épargne pas des voyages réguliers. Autant dire qu’il vaut mieux avoir bien préparé sa liste de course et ne rien oublier! Chaque village a pourtant un marché, construit en dur, mais à part des tomates (sorties d’on ne sait où, car il faut bien de l’eau pour cultiver la tomate!), et des racines telles que le manioc ou encore le saonjo (taro), il n’y a strictement rien.

Alors, derrière un paysage de carte postale se cache une réalité bien dure, et bien lourde à gérer au quotidien, de notre point de vue en tout cas. À moins de faire partie des chanceux qui ont un puits et d’être à distance d’un aller-retour dans la journée d’une ville, nous ne considérerons pas la côte de saphir pour nous installer, malgré sa beauté, son calme, et sa pureté.

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