Il est un peu difficile de parler d’Antananarivo, la capitale de Madagascar, Tananarive en français aussi appelée Tana, parce qu’au prime abord, c’est une cacophonie visuelle indescriptible. Cette ville grouille de gens, de voitures, de bus, de scooters, de vélo, de pousse-pousse et même de charrettes tirées par des hommes ou des zébus. On y trouve aussi bien de superbes villas modernes que des masures branlantes. Près de 3,3 millions d’habitants vivent dans cette ville, certains s’entassent avec toute leur famille dans une seule pièce tandis que d’autres ont des propriétés avec jardin, terrasse et la place pour une voiture par membre adulte de la famille. Les routes sont parfois goudronnées, parfois faites de pavées ou encore de simples chemins de terre mais le réseau est loin d’être suffisamment développé en tout cas ; les embouteillages ne cessent que la nuit car sans éclairage publique, les habitants évitent de circuler, et c’est donc également le moment où l’air est plus respirable, le bruit des moteurs cesse, et Antananarivo s’apaise.

Alors que la ville grouille de piétons – ce qui est le mode de déplacement du pauvre, avec le bus évidemment-  les trottoirs sont rares, il s’agit plutôt de talus de terre – mis de côté lors de la construction routière j’imagine – dont les gens s’accommodent pour ne pas marcher sur la route. Certaines chaussées sont bordées de caniveaux si profonds que l’on pourrait tomber dedans, en prévision de la saison des pluies (laquelle est de plus en plus courte, malheureusement). Peu de parcs mais des arbres ou des fleurs dans les jardins des gens aisés en général, seules les ordures fleurissent un peu partout sur des collines de déchets sur le bas-côté des routes. Bien sûr il y a les champs de rizières qui résistent à l’expansion galopante de la ville, comme des havres d’un autre temps oublié pour l’instant au milieu de la circulation. Mais à part cela, la nature semble avoir perdu sa place à Antananarivo.

Y-a-t-il jamais eu un plan de développement ?  Je ne sais pas…à voir le résultat j’en doute. Historiquement, le lieu était occupé par 12 tribus dirigées chacune par un roi, et à la fin du XVIIIe siècle, le roi Andrianampoinmerina, roi d’Ambohimanga, décida de les unifier afin de ne créer qu’un seul royaume, celui de la dynastie des Imerina ; il y parvint en combattant les autres rois, puis en épousant les reines laissées veuves de chacune des 12 tribus, et en les plaçant à la tête  de chacun des anciens royaumes. Les 12 royaumes  entouraient une large cuvette très fertile et inondable dans laquelle on cultivait le riz, tandis que les maisons étaient bâties à flanc de collines, et les 12 palais des 12 reines et de l’unique roi dominaient tout le territoire ainsi unifié.

Malheureusement, les hommes modernes et pourtant éduqués d’aujourd’hui, n’ont pas su conserver cette ancienne sagesse. Les rizières et les cultivateurs sont toujours présents dans la cuvette de Tana, mais leurs terres sont petit à petit grignotées par les habitations, et se réduisent comme peau de chagrin. On peut donc voir maintenant de grandes étendues vertes et marécageuses entaillées par quelques grands axes goudronnés, parsemées de maisons, le plus grave étant que celles-ci sont à risques d’être balayées par une inondation si jamais le fleuve Ikupa décide un jour de sortir de son lit, comme cela s’est déjà produit par la passé. Il est vrai que la sécheresse qui s’aggrave d’année en année ne porte pas à croire que cela pourrait se produire un jour, cependant, c’est selon ce rythme régulier d’inondations annuelles que les rizières ont été alimentées en eau durant des siècles, permettant ainsi à quelque mille villages, puis 12 royaumes avant de n’en devenir plus qu’un seul et unique, de prospérer dans la zone qui deviendrait un jour Antananarivo (la ville des mille).

Le résultat est donc qu’aujourd’hui Antananarivo est un paradoxe à elle toute seule de modernité et d’ancienneté, de bâtiments délabrés et d’autres plus récents, de maisons de bois au toit de tôle ou de briques d’argile rouge au toit de paille, de maisons cossues, de champs cultivés et de pierres, de misère et de richesse, de beauté et de laideur, le tout enveloppé dans la poussière de la terre rouge des hauts plateaux et des rejets de gaz des véhicules, auxquels seuls les habitants habitant sur les collines échappent.

Personnellement, je ne lui trouve aucun attrait ni aucun charme. Il ne reste presque aucune empreinte concrète de son histoire, à par le Palais de la reine, lequel a subi des transformations qui feraient hurler n’importe quel restaurateur en bâtiment ; aucune empreinte culturelle non-plus, les marchés sont les magasins des pauvres pour acheter tout ce dont ils peuvent avoir besoin, nourriture, vêtements, chaussures, petit électronique, mobilier, pièces de rechange, et s’il existe bien un artisanat et un savoir-faire malgache de grande qualité, à part dans 2 ou 3 marchés couverts répartis dans la ville, on ne le voit pas. A ce jour, Antananarivo me semble plutôt un enfer pour les pauvres comme pour les riches, à la différence que ces derniers peuvent se réfugier dans leur belle et grande maison avec jardin pour échapper au grand capharnaüm qu’est cette ville.

Comments

  1. Merci pour les très belles photos partagées sur votre site web !

    1. Merci. Pour l’instant, je n’ose pas trop demander aux gens si je peux les photographier, de front, de près, dans leurs activités quotidiennes, mais j’y viendrai car cela permettrait aussi de mieux comprendre la vie de la population: les femmes au lavoir, les gens dans les rizières, la queue devant les toilettes et douches publiques pour remplir d’eau les bidons jaunes… et donner un visage à ces gens.

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