Madagascar, entre misère et saleté…
Je n’ai jamais vu une ville aussi sale, ni des gens aussi miséreux. En effet, le terme de pauvre n’est pas assez fort, me semble-t-il. En Occident, de nombreuses personnes sont pauvres, et nous croisons tous les jours de plus en plus de personnes qui, pour diverses raisons, sont arrivées dans la rue. Cependant, pour Madagascar, il faut parler de misère. Je ne sais pas ce qui m’étonne le plus, le dénuement de ces gens ou la saleté dans laquelle ils vivent ! En tout cas, après quelques minutes à m’extasier sur les rizières qui longent la route entre l’aéroport d’Ivato et la ville de Tana, ce sont vraiment les deux choses flagrantes qui m’ont sauté aux yeux ! Cette ville semble majoritairement délabrée, et jonchée d’ordures – il y en a partout, dans les rues, sur les places, sur les bords de route, dans l’herbe (à croire qu’il n’y a ni poubelle, ni ramassage) – et grouille de gens qui oscillent entre abandon total et précarité ! Entre deux maisons, on tombe parfois sur un tas d’immondices formant une petite colline ou encore des bennes qui débordent. Des gens fouillent les déchets pour trouver de quoi manger – une maman récupère des légumes peut-être jugés un peu trop pourris par d’autres pour nourrir sa famille et les pose dans son panier ; un homme cherche des choses à réparer, à recycler, n’importe quoi qui pourrait lui servir ; les enfants sont posés à terre et mettent à la bouche tout ce qu’ils ramassent …comme tous les enfants ; les nombreux chiens errants essaient également de trouver de quoi manger, et survivre.
Je remarque que, comme dans les pays occidentaux, la misère frappe plus durement les plus fragiles : les femmes seules avec des enfants en bas âge, les femmes âgées ou encore les personnes handicapées. Ce sont eux majoritairement que je vois faire la manche dans les rues. Les plus vieux ont le visage émacié, la bouche édentée, ils restent assis par terre, recroquevillés, la main tendue, résignés à mourir à petits feux, en silence. Quant aux plus jeunes, les enfants, ils apprennent très tôt à faire la manche, ils vous courent après la main tendue pour réclamer de l’argent, parfois ils ont appris une phrase par cœur en français comme « il faut me donner Madama, il faut me donner pour manger ». Les mamans souvent ne bougent pas, les bras déjà chargés d’un petit qui dort ou qui tête. Etant tout de suite repérée dans la rue par la couleur de ma peau, les mains se tendent très facilement vers moi, je pourrais y laisser un salaire à chacune de mes sorties, et cela n’aiderait aucun d’eux en réalité. Ici, l’inscription à l’école publique est payante, et encore, dans les villes, les classes débordent pour atteindre parfois jusqu’à 70 à 120 élèves, paraît-il… c’est dire si les chances d’apprendre quelque chose et de renverser son destin sont inexistantes ! Nombreux sont donc les enfants qui ne vont pas à l’école ou en tout cas, qui sont rapidement déscolarisés car il faut gagner de l’argent, par n’importe quel moyen ! Et c’est cela la plus grande misère de ce pays en réalité. Sans éducation, comment s’élever, comment améliorer ses conditions de vie, comment tendre vers un meilleur présent et espérer se construire un avenir ?
Même les gens qui travaillent me semblent miséreux, tous ces gens qui ont un petit commerce – épicerie, quincaillerie, électricien, plombier, snacks – ou encore toutes ces personnes qui sont employés de maison, ou de commerces, ou encore qui occupent des emplois de service en tant que gardien, employé de ménage – ils travaillent et ont un logement certes mais leur situation est très précaire car ils gagnent dans la journée ce qu’ils vont dépenser le lendemain pour manger ou payer leurs factures, rien de plus. Pas de congé, pas d’arrêt maladie, pas de retraite, pas de coussin de sécurité, pas d’économie à placer pour ces gens. Les cultivateurs ne sont pas nécessairement mieux lotis car ils sont à la merci des caprices de la météo, et ces dernières années, l’impact de la pollution humaine sur le climat et la nature en général, ne les a pas épargnés. En fait, en dehors d’une infime minorité de nantis et de fonctionnaires moins pauvres que les autres, je dirais que toute personne capable de tenir debout, travaille ou mendie pour gagner de quoi manger au jour le jour, et c’est à peu près tout.
Et à l’autre extrémité de toute cette misère, se trouve l’extrême richesse, des gens qui ont tout, des maisons luxueuses, des voitures, des domestiques, ils peuvent acheter tout ce dont ils ont besoin et plus encore, ils voyagent, ils investissent à l’étranger, ils peuvent avoir les meilleurs soins en cas de problème de santé, ils envoient leurs enfants faire leurs études dans les meilleures universités du monde. Comment une telle richesse peut-elle côtoyer tant de misère ? Comment est-ce tolérable, autant d’un côté que de l’autre? C’est cela que je trouve le plus choquant en réalité, cette acceptation de vivre dans deux mondes parallèles aux extrêmes.
Merci de nous partager un clin d’œil sur cette réalité qui est difficile à comprendre! Une si grande différence entre les classes, comment est-ce durable?
Eh oui malheureusement l’Etat malgache comme la population semblent s’y accommoder. Pourtant, d’autres pays ont montré que des petites mesures comme une journée par semaine pour le nettoyage obligatoire autour de sa maison suffira à améliorer la situation.
Oui, l’impulsion doit venir de la tête afin d’offrir un cadre, une structure à la population pour démarrer. Il faut commencer par de petites choses mais lorsque les gens voient un effet positif, cela fait rapidement boule de neige.
Quand la tête va, tout va…sinon, c’est la catastrophe.