Corruption et insécurité : entre idées préconçues et réalité

Ne circulez pas tout seul, prenez un chauffeur.

Ne sors pas toute seule, ne porte aucun bijou, ne prends pas de sac à main, prends une pochette à cacher sous tes vêtements !

Ne prenez pas d’argent sur vous.

Ne roulez pas la nuit.

Ne faites pas confiance aux gens, vous leur demandez votre chemin et ils vous envoient droit sur leurs complices qui vont vous dépouiller.

Ne prenez rien de valeur avec vous à l’hôtel, vous allez vous faire voler.

…. Et j’en passe !

Alors au final, les Malgaches de Tana et de façon plus générale les gens aisés, ont besoin de sortir de chez eux car Madagascar n’est pas plus dangereux qu’un autre pays, il n’y a pas plus de vol, plus de cambriolage, ni plus d’agression. Les gens ne sont pas plus voleur, menteur ou escroc ici qu’ailleurs. En général, nous n’avons croisé que des gens bienveillants, qui nous ont même aidés alors que nous étions en difficultés, ensablés et seuls sur la côte de Vohémar, par exemple. Les gens ont la vie dure et ceux qui travaillent attendent simplement salaire et reconnaissance. Les prix, pour les étrangers sont parfois gonflés, et si l’on sait négocier, ce qui est un sport national ici, on peut s’en sortir aussi bien que les locaux. Des erreurs sur les prix, il y en a parfois, mais ce n’est pas de la malhonnêteté. En réalité, beaucoup de gens ne savent pas compter, et bien que la monnaie soit l’Ariary, beaucoup de Malgaches parmi les plus pauvres, continuent de raisonner et de parler en Francs malgaches : 5 000 Francs malgaches sont l’équivalent de 1 000 Ariary. Evidemment, cela donne lieu à de nombreuses confusions, des deux côtés. Mon expérience est que par deux fois, je me suis trompée en faisant mon calcul, et c’est la petite vendeuse de fruits et légumes, la modeste personne qui travaille six jours sur sept, toute l’année, quel que soit le temps, pour un salaire de misère au final, qui m’a rappelée pour me rendre ma monnaie… Il y a des gens honnêtes et malhonnêtes partout, et cet état de fait n’est pas pire à Madagascar qu’ailleurs. La corruption, par contre, est endémique, à tous les niveaux administratifs, et plus les gens ont de l’argent et du pouvoir, plus elle est présente. Inutile de parler des politiciens, il faut être aveugle pour ne pas comprendre que si Madagascar est dans un tel état de délabrement et de pauvreté, alors qu’au lendemain de la décolonisation, le pays était prospère, les gens éduqués, les voies de communication développées, c’est que la corruption gangrène tous les rouages du pays.

Il nous est également arrivé une petite aventure assez cocasse pendant notre voyage. Lors d’un contrôle policier de routine, l’agent qui nous a arrêtés nous a demandé sans équivoque aucune de lui donner de l’argent. Il nous a expliqué que le gouvernement ne paie pas assez, que son travail est difficile, que la vie est chère… Bref, sans aucune gêne, ce digne représentant des forces de l’ordre voulait que nous, qui circulions en 4X4, un couple dont la femme est occidentale, donc nous les riches, lui donnions un bakchich ! Malheureusement pour lui, il ne parlait pas français, et bien qu’ayant parfaitement compris, j’avais donc l’excuse de n’être qu’une sale étrangère, une Vazaha. « Moi, pas comprendre le malgache ! » Quant à Rado, il a fait de même, et comme il n’est pas non-plus extraordinaire que des Malgaches ne comprennent pas la langue, car ils n’ont pas été scolarisés dans les écoles locales, voire, ils sont même partis vivre à l’étranger, nous avons laissé ce pauvre type s’enferrer dans son discours. Nous avons tous les deux pris plaisir à jouer les idiots en offrant nos papiers, permis de conduire et assurance, en ne répondant que par des regards interloqués et des sourires. Le pauvre type s’est lassé, bien déçu d’être tombé sur une Vazaha et un Malgache étranger , et je crois même qu’il n’a pas contrôlé nos papiers tellement il était frustré ! Moi, j’étais assez estomaquée qu’il ait eu l’aplomb de nous demander de l’argent, mais très sereine, tout comme Rado, car il n’était pas question de se laisser intimidés. Et le plus fort, c’est que partout sur la route, nous avons vu des panneaux publicitaires pour dire « Stop à la corruption ! ». Malgré cette mésaventure, il faut aussi dire que nous avons souvent été contrôlés par la police au cours de notre périple, et c’est la seule tentative d’extorsion que nous avons vécue.

Nous partons bientôt vers Tuléar, Morondava puis Fort Dauphin, plus au Sud, la population est plus pauvre et souffre de la faim. Des attaques sur la route, de nuit, sont parfois relatées dans les journaux. Nous ne roulerons pas la nuit, et là encore, surtout parce que la route est en si mauvaise état que cela serait dangereux. Les Dahalo, des voleurs de zébus et autres, infestent le Sud, mais ils ne pourraient pas œuvrer sans la complicité des autorités. Ils volent même les rations de secours envoyées par les ONG pour les villageois. Alors, les Malgaches sont des voleurs ? C’est une généralisation trop facile. Il y a des voleurs, comme partout, par conséquent, il faut être prudent et tenir compte de la culture local et de son environnement, afin d’adapter son comportement. Le premier problème de Madagascar, c’est sa corruption à haut niveau, ce qui empêche les institutions de fonctionner, et les gens de bien faire leur travail. Le gouvernement malgache est-il voleur, corrompu et assassin ? Indéniablement oui, pour le plus grand malheur d’une population de plus en plus démunie.

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