Nous n’avons pas fait d’excursion parce qu’on y va fort sur les prix à Nosy Be, ils sont en euros, ça annonce déjà bien la couleur. Il y a de nombreuses îles autour de Nosy Be : Iranja, Nosy Faly, Nosy Ratsy, Komba, Sakatia et d’autres. Elles sont pour la plupart habitées et chacune est mise en avant pour un type de découverte. Par exemple, on va à Iranja pour la particularité de l’île coupée en deux à marée haute et reliée par un banc de sable blanc immaculé à marée basse. De plus, on peut voir de très grosses tortues en liberté dans un coin de l’île. Par un contact du propriétaire de la Plantation Mijono, nous aurions pu faire cette sortie entre 200 000 et 260 000 AR pour deux, mais même à ce tarif, nous trouvions cela bien trop cher. Toutes les sorties se ressemblent, les touristes sont entièrement pris en charge. On les emmène en bateau sur une île avec un départ vers 8 h, la traversée dure entre 30 min et 1 h 30 selon la distance. À leur arrivée, ils peuvent se promener tout seuls ou être assaillis par les guides locaux pour visiter les lieux, évidemment, il faut payer ces guides, tandis que ceux qui ont amené les touristes en bateau, cuisinent du poisson grillé avec du riz coco par exemple. Le départ de l’île se fait entre 14 h et 15 h. Une visite tenue par la main en permanence, où l’on doit dépenser pour faire chaque pas, exactement ce qui me plaît! Donc, nous avons profité des plages de Nosy Be, gratuitement, et avons exploré différents coins de l’île tout seuls, comme des grands.

Heureusement, les plages sont publiques à Madagascar. Certains grands complexes ont malgré tout réussi à acheter et donc à privatiser la portion en face de leur hôtel, mais c’est rare. Alors, qui investit à Nosy Be? À qui rapporte le tourisme de cette île? Eh  bien, ce sont les Italiens  qui investissent ici et tiennent de nombreux Resorts. Quand ce ne sont pas les Italiens, ce sont les Français, ou encore des Malgaches. Attention, je parle de groupes, ou de grandes familles, pas d’individus. Évidemment, le  principe de ces grands hôtels est de prendre complètement en charge leurs invités, de la descente de l’avion jusqu’au départ. Ils ont un restaurant, une piscine, un salon de massage, ils proposent les excursions, ils ont une boutique avec des sacs en raphia à 50 euros alors qu’ils coûtent entre 35 000 et 75 000 ariary (18 EUR) pour les plus grands et les plus travaillés. Le touriste n’a rien à faire que de se détendre et se laisser porter. À la fois, les gens viennent là pour ça. Malheureusement, ils ne voient pas beaucoup le vrai visage de Madagascar de cette façon.

Dans ces conditions, on comprend que les bénéfices du tourisme rejaillissent peu sur de petites structures indépendantes, et encore moins sur les petits artisans ou hôteliers/restaurateurs malgaches qui eux, n’ont aucune notion de développement touristique. Ceux qui s’en sortent le mieux après les grands hôtels de luxe, ce sont donc les particuliers étrangers, ils proposent un service de qualité en terme de propreté, et de commodités, avec des prix compétitifs de façon à satisfaire une clientèle plus indépendante, qui veut investir dans la découverte du pays, sans se ruiner en logement, qui veut découvrir les plats malgaches, sans être malades, et sans non-plus dépenser une fortune pour un plat de zébu avec du riz. Certains n’axent pas sur le logement ou la restauration, mais développent plutôt des activités : sortie en bateau pour faire de la pêche au gros, très prisée dans la région de Nosy Be et Ambanja, d’autres louent des quads ou des scooters pour que les gens circulent facilement et en toute autonomie sur les routes de l’île. Il y a aussi ceux qui proposent des excursions sur les îles, à des prix bien plus intéressants que les grands Resorts.

Et puis, en bout de ligne, il y a les Malgaches, les petits Malgaches, qui voient tous ces touristes débarquer, comme des tirelires sur pieds. Ils savent déjà que les étrangers et les Malgaches qui ont les moyens de prendre des vacances ne mettront jamais les pieds dans les petits Hotely à 10 000AR, lesquels pour description rapide ont des logements formés d’une pièce déprimante aux murs fissurés, délavés et sales, avec une toute petite ouverture quand il y en a une, une paillasse plus qu’une literie dont la fraîcheur des draps est plus que douteuse, un trou avec un seau d’eau en guise de sanitaire commun, pour tout faire. Par ailleurs et pour information, cette description correspond également à l’habitat de nombreuses petites gens à Madagascar. Quant à la restauration, l’étalage sous la chaleur et la nuée de mouches autour des viandes et des poissons, ne sont pas tentants, pas plus que le sempiternel riz blanc! Malgré tout, dans ce domaine, certains arrivent à faire mieux et à proposer une restauration typique variée et de qualité, si l’on est pas trop regardant sur l’l’hygiène, car nous sommes loin des standards européens, évidement. Parfois, ils ont même un bateau pour organiser des excursions eux-aussi.

Alors, comment font les petits Malgaches pour profiter de la manne touristique? D’abord, ce sont eux que toutes les structures touristiques, grandes ou petites, emploient. Il est donc certain que cela leur apporte du travail, et c’est essentiel. Mais là, je reviens au salaire journalier minimum d’un employé malgache : 10 000 AR, soit en date d’aujourd’hui, 2,50 euros par jour. Même si l’on prend en considération que l’employeur paie les charges sociales (maladie et retraite, et parfois l’inscription scolaire des enfants), je crois que la marge de profit des grands Resorts est plus que généreuse, elle est indécente. C’est bien différent pour les petites et moyennes structures indépendantes, qui elles, vous facturent en Ariary, tout en assumant les mêmes charges pour leurs employés. Ces gens sont malgré tout bien lotis si l’on compare à tous les vendeurs ambulants qui parcourent les plages toute la journée avec des sacs sur la tête et des plateaux sur les bras. Comment sont-ils rémunérés? Un pourcentage sur la vente? Car ces gens, presque toujours des femmes, ne sont pas des artisans qui vendent le produit de leur travail, ce sont de simples vendeurs de rue. Certaines vendent de la nourriture, on peut imaginer que ce sont elles qui ont cuisiné le matin de bonne heure et viennent ensuite vendre sur les plages.

Et là, la façon de s’y prendre est plus que contre-productive! Bonjour, Madaaaaammme, avec un ton traînant comme pour vous amadouer, avant de commencer le matraquage de propositions. Tu ne veux pas un massage, Madame? Non, merci. Des tresses alors? Non, merci. De l’huile de coco, c’est bon pour ta peau? Non, merci. Je ne veux rien, Madame, rien du tout. De la citronnelle? Regarde tu as pleins de boutons. Non, merci, je n’ai besoin de rien. De l’Ylang-Ylang, vas-y mais sens, juste sens, c’est bon tu sais. Non, merci, je ne veux rien, Madame. Regarde mes pareos comme ils sont jolis. Regarde celui-ci avec les tortues. Non? Et celui avec les lémuriens de Madagascar? Non? Et avec les fleurs, tu préfères les fleurs, regarde comme il est beau. Non? Le bleu peut-être, regarde. Tous les pareos sont sortis du sac, il faut tous les montrer. Non, tu ne veux rien? Allez prends-moi un collier, regarde les coquillages comme ils sont beaux. Et un bracelet? En souvenir, pour la petite fille. Non, merci, je n’ai besoin de rien. Alors on fait les tresses après? Non, pas de tresses. Le massage des pieds alors? Non, pas plus.

Et ce cirque recommence avec chaque vendeuse, quand elles ne viennent pas à deux ou trois. Comme je déteste être harcelée et qu’on essaie de me forcer la main, il y a zéro chance que cette façon de faire fonctionne, d’autant que je ne suis vraiment pas intéressée par leurs produits. Les huiles ne sont que des huiles à proprement parler dans lesquels elles ont laissé tremper la fleur de ceci ou cela pour lui donner une odeur, les pareos sont des imprimés industriels importés de Thaïlande ou d’Indonésie, les bijoux certainement aussi. Donc, ces femmes ne sont que des revendeuses pour des boutiques en ville, tenues souvent par des Indiens, et leur technique de vente vise à harceler le client pour qu’il cède ou à faire pitié. Beaucoup cèdent, mais les touristes sont ennuyés par cette façon de faire, et sont alors ravis d’être protégés dans l’enceinte du Resort où, si les vendeuses peuvent circuler sur les plages et proposer leurs produits, elles n’ont pas le loisir de se montrer aussi insistantes car vite chassées par le garde de sécurité.

Non seulement les Malgaches ne comprennent rien aux attentes des touristes, mais pire encore ils ne les considèrent que comme des pigeons à plumer autant que possible. Ils n’hésitent pas à vous dire parfois : “Tu as de l’argent toi, tu peux m’en donner”. Sans parler des tarifs d’entrée des sites qui se font vraiment à la carte, et toujours avec des prix multipliés par 10 ou 20 parfois pour le blanc, par rapport au Malgache. Cette façon de percevoir l’étranger/touriste est carrément officialisée. Il y a de nombreuses raisons pour expliquer qu’un pays avec autant de richesses naturelles que Madagascar ne se développe pas : le mauvais état des routes, l’insécurité (question très relative), des billets d’avion chers avec un monopole très marqué d’Air France obligeant le voyageur d’où qu’il vienne dans le monde, à passer par Paris la plupart du temps, et les pouvoirs politiques évidemment qui sont au cœur du problème. Mais l’attitude des Malgaches participent également au non-développement de ce secteur. Nous avons rarement testé les structures malgaches, et pas celles à 10 000 AR, elles ne tiennent jamais la comparaison avec des structures vazaha, comme ils disent, à tarif égal. Par conséquent, le Malgache Lambda ne fait pas beaucoup d’argent sur le tourisme, même à Nosy Be, qui est pourtant de loin la région la plus attrayante et développée. Et on en revient à une remarque que je faisais dans un précédent article sur la mentalité des côtiers, à savoir qu’ils veulent uniquement faire de l’argent facile pour manger aujourd’hui. Il n’y a aucun intérêt à investir dans l’avenir pour le côtier, mais j’étends ce défaut à tous les Malgaches en général, car sinon, comment expliquer l’état de ce pays!

Concernant Nosy Be, que l’on se rassure, on peut trouver logement et restauration de toute qualité et à tous les prix, et même les voyageurs à petit budget peuvent profiter du charme de cette île magnifique au parfum enivrant d’Ylang-Ylang, comme nous, à la Plantation Mijono, par exemple. Et le propriétaire est sur Nosy Be depuis assez longtemps pour vous aider à trouver des personnes honnêtes, qui ne demande qu’à travailler et à faire découvrir leur île aux visiteurs.

Voici quelques photos d’une visite d’un des sites touristiques de Nosy Be, le Mont Passot. De son sommet, on se rend bien compte que l’île est verte et quasi inhabitée, en dehors de l’axe Ambatoloaka – Hell-Ville.

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